Le jeu vidéo, un levier thérapeutique ?
Il fait couler beaucoup d’encre, et pour cause. Outils de divertissement, le jeu vidéo est aussi accusé de bien des maux chez les jeunes : violence, addictions, problèmes de concentration. Ce qu’on sait moins, c’est qu’utilisé à bon escient, il peut vite se révéler un allié des thérapies qu’elles soient comportementales, rééducationnelles ou antalgiques. D’ailleurs le développement des serious games dans l’éducation, la formation ou encore la prévention montre bien que son impact peut être positif. Une synergie santé et nouvelles technologies pourrait donc offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques intéressantes.
Alors serious game = serious impact ?
Les bénéfices apportés par le jeu vidéo
A partir des années 80 – 90, les enfants ont grandi avec les jeux vidéo : Mario, Sonic, Final Fantasy, Donkey Kong, Zelda… ce qui a permis une démocratisation du jeu vidéo, qui est même devenu intergénérationnel. Rares sont aujourd’hui les personnes ne sachant les utiliser ou les apprécier. C’est donc une ressource intuitive à utiliser pour de nombreux patients.
Outre son accessibilité, ses avantages sont nombreux :
Motivation
C’est certainement le plus fort levier quand on parle de soins. On sait que la motivation des patients dans les thérapies traditionnelles est le nerf de la guerre. Or, le jeu d’une façon générale est une motivation intrinsèque des individus. Avec le jeu vidéo, la gamification, on va encore plus loin dans l’engagement. Ainsi un patient réfractaire à un soin ou à une activité qui n’est pas plaisante, va s’engager plus facilement si le soin comporte une partie ludique, et surtout, il va persévérer davantage, sur le plus long terme.
Adaptabilité aux capacités du patient
Un jeu vidéo construit spécifiquement pour le soin et pour une pathologie va prendre en compte le patient dans toutes ses dimensions, qu’elles soient fonctionnelles, cognitives, émotives, etc C’est-à-dire que le praticien pourra avancer par niveaux, en fonction de l’état de santé du patient et de son état d’avancement dans la thérapie mise en place. C’est donc le jeu qui s’adaptera au patient et non l’inverse.
Orientation en fonction des objectifs thérapeutiques
Un jeu vidéo construit spécifiquement pour le soin et pour une pathologie va prendre en compte le patient dans toutes ses dimensions, qu’elles soient fonctionnelles, cognitives, émotives, etc C’est-à-dire que le praticien pourra avancer par niveaux, en fonction de l’état de santé du patient et de son état d’avancement dans la thérapie mise en place. C’est donc le jeu qui s’adaptera au patient et non l’inverse.
Stimulation des capacités cognitives
Plusieurs études et une méta-analyse (1) ont montré que la pratique, régulière ou non de jeux vidéo, améliorait de façon significative les facultés cognitives spatiales, attentionnelles et perceptives. La capacité au multi-tasking (capacité à réaliser plusieurs tâches de façon simultanée) a également été améliorée après avoir joué aux jeux vidéo.
Dans quels cas le jeu vidéo thérapeutique peut-il être envisagé ?
Les pathologies ou les situations dans lesquelles le jeu vidéo est considéré comme thérapeutique sont nombreuses. On va donc plutôt s’intéresser aux cas d’usages et aux solutions qui existent déjà sur le marché et qui ont déjà fait leurs preuves.
Effet antalgique, diminution de la douleur. Grâce à l’état de flow et à la capacité à concentrer l’attention du patient, les jeux vidéo, lorsqu’ils ont été conçus spécifiquement pour un usage thérapeutique, sont une solution non-médicamenteuse précieuse pour les équipes médicales. C’est ainsi que nous avons conçu AURORIA, notre dispositif médical de classe I : un jeu thérapeutique au cours duquel les patients ont des quêtes et des défis à relever.
- Troubles neurodéveloppementaux. Les jeux permettent aux personnes atteintes de ces troubles d’améliorer leurs habilités sociales et motrices dans un environnement maîtrisé et sécurisé. TooYu par exemple propose un catalogue de jeux en réalité mixte, couplés à une plateforme de suivi afin de mesurer la progression des patients au fil du temps.
- Education thérapeutique. On apprend davantage en jouant et en s’amusant, ainsi en savoir plus sur sa maladie et apprendre les bons gestes pour la gérer est plus efficace au travers de jeux. Le CHU de Brest l’a bien compris avec leur appli « Prendre l’air », dédiée aux enfants souffrant de maladies neuromusculaires. Dans ce programme d’ETP interactif, les enfants incarnent des agents secrets missionnés pour déjouer les plans du terrible professeur Blop. Au cours de leurs parcours, ils en apprennent davantage sur leur maladie et comment la gérer.
- Rééducation. La rééducation initiée en centre ou en cabinet peut parfois se poursuivre au domicile du patient. Créé par un laboratoire commun en lien avec l’Institut du Cerveau, Voracy Fish est un serious game de rééducation des membres supérieurs chez les personnes victimes d’un accident vasculaire cérébral. Ce jeu vidéo est utilisé d’abord à l’hôpital puis au domicile, via une plateforme technologique qui recueille différents paramètres moteurs du comportement du patient. Ces données sont ensuite analysées afin d’adapter / ajuster la rééducation du patient.
Zoom sur...
L'état de flow
Avez-vous vous déjà eu un tel état de concentration que vous en oubliez tout ce qui se passait autour de vous ?
Que ce soit en lisant un livre, en coloriant, en escaladant une paroi rocheuse ou en jouant aux jeux-vidéos, lorsque nous sommes absorbés de façon intense par une activité, on entre en état de flow. Le monde pourrait s’écrouler, vous ne le remarqueriez (presque) pas.
L’état de flow est en fait un état de conscience modifié, au cours duquel les systèmes de contrôle de l’attention exercent une forte activité. L’objectif : maintenir cette forte attention / concentration sur les éléments pertinents pour le cerveau.
C’est cet état qu’on cherche à reproduire dans les jeux vidéo thérapeutiques. Le patient apprend, se soigne, se rééduque alors sans s’en apercevoir.
Forts d’études scientifiques sur leurs bénéfices, les jeux thérapeutiques se développent ces dernières années, avec de plus en plus souvent un passage en dispositif médical. Preuve s’il en faut que le jeu ne se limite plus uniquement au rang de loisir mais bel et bien d’usage thérapeutique.
Il permet d’apaiser les soignants et les parents lorsqu’il traite la douleur des enfants, il permet une meilleure adhésion au suivi de sa maladie grâce à l’éducation thérapeutiques et permet même d’accélérer la rééducation des personnes ayant subi un AVC.
Le corps médical étant de plus en plus à la recherche de solutions thérapeutiques non médicamenteuses, on devrait voir apparaître encore de nombreux cas d’usage au cours des prochaines années.
1 – Meta analyse Daphné Bavelier & Benoît Bediou, parue dans la revue Psychological Bulletin
